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Alors que l'Omertà (loi du silence) entourait la question de la constitution depuis plus de 10 ans en Guinée, ce Samedi 19 janvier il s'est tenu une conférence-débat à Conakry sur la Constitution guinéenne. Voilà plus de 10 années que la LDRG appelait à l'ouverture de ce débat hautement important pour l'avenir démocratique de la Guinée. Le seul regret que nous avons à ce sujet est qu'il aurait été infiniment mieux que ce débat se tienne durant la période de transition avant la rédaction de la constitution. Si ça avait été le cas, non seulement notre pays et notre nation allaient sortir de la transition dans un bien meilleur état, mais de plus, aujourd'hui nous n'en serions pas là.

Qu'à cela ne tienne, l'événement de ce Samedi 19 janvier n'est pas négligeable dans la mesure où des acteurs politiques de premier plan, notamment Mr Baadiko Bah, ont pour la première fois reconnu ouvertement et publiquement la non-légitimité la constitution actuelle en ces termes: "... Je dis oui, la Constitution actuelle n’a pas été soumise au référendum. Le peuple n’a pas été consulté...". Ceci est un acte d'accusation suffisamment grave pour justifier l'ouverture d'un processus participatif de rédaction d'une nouvelle Constitution qui devra être approuvé par Référendum populaire afin de conférer à la Loi fondamentale du pays toute la légitimité qui lui est due.

Quant à Mr Damaro Camara, il intervient en ces termes: "... cette Constitution ne permet pas un troisième mandat mais, elle permet au président de la République de proposer une nouvelle Constitution à son peuple. Si elle est adoptée par une majorité simple, il faut aller au référendum. Et si elle est adoptée à l’Assemblée par une majorité des deux tiers, on peut créer et adopter la Constitution au niveau de l’Assemblée. Mais si tel était le cas, tout nouveau mandat n’est pas un troisième de la Constitution qui aurait été abrogée, mais serait le premier mandat d’une nouvelle République...".

En ne tenant compte que de ces deux interventions, il me semble qu'il est arrivé le moment pour la LDRG d'aller jouer son rôle et d'occuper l'espace qui lui revient dans ce débat en Guinée. D'abord, en tant que Président du Mouvement, je dois commencer par dire que je suis porteur d'une pétition vieille de 10 ans à ce sujet, laquelle pétition compte aujourd'hui 1504 signataires issus de toutes les sensibilités de notre nation, et laquelle pétition est accompagnée de 208 km de marche et de 35 journées de jeûne. Voilà notre introduction à ce débat. Aux yeux de certains, ceci n'est pas suffisant pour revendiquer notre légitimité à être partie-prenante dans un éventuel processus de révision constitutionnelle en Guinée. Pourtant, au regard de ce sacrifice, je ne crois pas qu'il y ait un Guinéen ou un groupe de Guinéens qui méritent plus que la LDRG d'être partie prenante dans ce processus. 

Puis, au regard de l'histoire récente de notre pays, il me semble extrêmement important d'aller au-delà des considérations partisanes pour la rédaction et l'adoption d'une nouvelle Constitution en Guinée. Non seulement l'idée d'une rédaction et d'une adoption strictement parlementaire évoquée par Mr Damaro Camara ne résoudra pas les problèmes institutionnels que connaissent la Guinée, mais de plus, un tel processus politiserait le processus et coaliserait très facilement les exclus du processus. Voilà pourquoi la LDRG est en faveur d'un processus de rédaction extra-parlementaire, ouvert, participatif et sanctionné par un Référendum populaire. Le moment est même opportun dans la mesure où le mandat de l'Assemblée nationale a expiré.

Concernant la question de la limitation des mandats présidentiels, la nouvelle Constitution que nous souhaitons pour la Guinée contiendra la limitation à deux mandats de 5 ans chacun. Cela dit, Mr Damaro Camara semble être un peu confus lorsqu'il affirme que dans l'éventualité d'une nouvelle Constitution, les compteurs seront remis à zéro pour la Président de la République qui pourra donc briguer éventuellement deux nouveaux mandats dans le cadre de la nouvelle Constitution. Ceci est techniquement erroné. Dans l'éventualité d'une nouvelle Constitution qui aurait été rédigée de manière participative et approuvée par Référendum populaire, en raison du principe de dissociation constitutionnelle, le Président de la République serait en cours de son premier mandat dans le cadre de la nouvelle Constitution. Car cette nouvelle Constitution entrerait en vigueur avant la tenue des prochaines élections présidentielles. Et, au bout de ce premier mandat, il aura légalement l'option de se porter candidat pour un deuxième et dernier mandat dans le cadre de la nouvelle Constitution. À ce stade du débat, nous sommes dans l'ingénierie constitutionnelle qui est malheureusement peu accessible à la grande majorité de nos concitoyens, mais dont la pertinence trouve jurisprudence au niveau régional, notamment au Sénégal. Mr Abdoulaye Wade avait procédé de la même manière. Il a eu l'option de se présenter pour un deuxième mandat dans le cadre de la nouvelle Constitution qu'il avait fait adopter par voix parlementaire. Mais le résultat des urnes ne lui étant pas favorable, il n'a pas pu bénéficier d'un nouveau mandat. Voilà pourquoi Mr Damaro doit s'exprimer avec beaucoup de caution car, suite à une véritable révision constitutionnelle comme l'envisage de la LDRG, il n'est pas dit automatiquement que le Président de la République pourra bénéficier d'un mandat additionnel; encore faut-il gagner les prochaines élections présidentielles qui seront organisées dans le cadre de nouvelles institutions beaucoup plus intègres et fortes.

Ceci est un débat que nous souhaitons étendu et très ouvert. C'est un débat qui n'est qu'à ces débuts. C'est un débat sain et incontournable pour toute société qui envisage un avenir serein et en ordre. L'un des miracles du débat démocratique est qu'il peut mettre d'accord des acteurs ayant plusieurs points de désaccord. 

Mamadou Oury Diallo
Président de la LDRG

Tag(s) : #Africa, #Afrique de l'Ouest, #Politique-Guinée, #Société-Guinée