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2010-02-24_suisse_peinedemort_congres_0.JPGLe 4e Congrès mondial contre la peine de mort s’est achevé ce vendredi à Genève en présence de plus de 1 500 participants des cinq continents, après trois jours de rencontres et de débats pour tenter de trouver de nouvelles stratégies tendant à l’abolition universelle de la peine capitale. A ce jour, près de 140 Etats sont abolitionnistes de fait, mais le constat de ce Congrès est que pour inciter les 58 restants, tous les acteurs doivent travailler de concert, en impliquant les pouvoirs politiques.

L’enjeu principal : combiner les efforts de tous les acteurs

L’enjeu de ce quatrième congrès était de rassembler des acteurs de tous horizons : politiques, organisations intergouvernementales et ONG qui luttent pour l’abolition. Ainsi que d’associer les pays réticents afin de trouver les meilleures stratégies pour obtenir un moratoire de fait sur les exécutions et enfin l’abolition en droit.

L’appui des politiques à l’abolition de la peine de mort

Ce congrès a été marqué par le soutien important de plusieurs pays représentés par leurs ministres de la Justice ou des Affaires étrangères : en premier lieu la Suisse qui l’accueillait sur son sol et les Nations unies (l’inauguration s’est déroulée dans la prestigieuse salle des droits de l’homme et des civilisations décorée par l’Espagnol Miquel Barceló). Le déroulement de cette quatrième édition à Genève est symbolique, dans cette ville des droits de l’homme et hôte de nombreuses organisations membres de la coalition mondiale contre la peine de mort.

L’Espagne a marqué son attachement au combat contre la peine de mort, par la voix de son chef de gouvernement José Luis Rodriguez Zapatero, président en exercice de l’Union Européenne, qui a fait spécialement le déplacement à Genève pour participer à l’inauguration le 24 février dernier.

M. Zapatero a lancé une feuille de route ambitieuse pour les cinq prochaines années, avec une série de propositions concrètes : la création d’une commission internationale sur la peine de mort complémentaire des organisations existantes, qui devrait être opérationnelle au deuxième semestre 2010, composée de hautes personnalités, dont la tâche sera de faire du lobbying pour l’abolition universelle. Le président du gouvernement espagnol a fixé pour 2015 un moratoire universel de la peine de mort, correspondant à l’année des objectifs du millénaire pour le développement. Cette feuille de route a été accueillie très favorablement par les organisateurs du congrès.

Les annonces et les promesses d’abolition : le Bénin, le Maroc et la Mongolie

Lors de l’inauguration et également à la cérémonie de clôture, plusieurs pays ont fait des déclarations de bonnes intentions prometteuses. Le président du Bénin Yayi Boni qui n’a pas pu être présent a dépêché son conseiller pour réitérer sa volonté d’inscrire l’abolition dans la constitution béninoise, pays abolitionniste de fait depuis 1993. Un projet de loi a été déposé au Parlement dans ce sens. L’Afrique pourrait être le prochain continent abolitionniste. Selon les organisateurs du congrès, les exécutions ont lieu essentiellement dans quatre pays : le Soudan, la Somalie, le Tchad et le Zimbabwe.

Mustapha Iznasni du Conseil consultatif des droits de l’homme du Maroc a également indiqué qu’un débat était lancé sur la peine de mort dans son pays, même si les juges condamnent encore à la peine capitale, bien qu’un moratoire de fait soit instauré depuis 1993. Le président de la Mongolie a adressé un message lu par un émissaire parlementaire, dans lequel il se prononce ouvertement pour l’abolition de la peine capitale dans son pays.

Pour tous les pays qui hésitent à franchir le pas, la question centrale est celle du courage politique dont les parlementaires pourraient faire usage ou non. Comme l’a rappelé à de nombreuses reprises tout au long de ces trois jours de congrès Robert Badinter, ancien Garde des Sceaux et artisan de l’abolition de la peine capitale en France en 1981, à l’époque, l’opinion publique n’était pas favorable à l’abolition.

58 pays pratiquent encore la peine de mort

La peine de mort recule dans le monde entier, mais les abolitionnistes ne crient pas victoire. Dans les années 1960, une trentaine de pays avaient aboli la peine capitale en droit, dans leurs textes législatifs ou leur constitution. La tendance s’est inversée depuis une quarantaine d’années, puisqu’à ce jour les deux tiers des pays dans le monde n’exécutent plus : 138 Etats ont donc aboli la peine de mort de fait, dont 94 en droit (impliquant l'inscription dans les textes de loi ou dans la constitution). L’enjeu se situe sur les 58 pays dits « rétentionnistes », qui continuent à la pratiquer. La tâche sera très rude pour inverser la tendance dans les cinq pays qui recensent près de 98% des exécutions : la Chine, l’Iran, les Etats-Unis et le Pakistan, même si ce dernier, à la faveur du changement de gouvernement pratique désormais un moratoire de fait.

Des avocats et des militants abolitionnistes étaient présents lors de tables rondes consacrées à la situation dans leurs pays respectifs. Parmi eux, l’avocat chinois Tianyong Jiang, régulièrement harcelé pour ses prises de position, également l’avocate iranienne Shirin Ebadi, prix Nobel de la Paix, qui a insisté sur le nécessaire retour à la démocratie dans son pays, le seul chemin qui pourrait permettre une abolition de fait en Iran, où selon elle la peine de mort est utilisée comme un instrument de terreur pour faire taire les opposants, et s’exerce également à l’encontre de mineurs.

Une soirée « Paroles de victimes » et des témoignages du couloir de la mort

Au cours d’une soirée consacrée aux victimes de violences jeudi soir, plusieurs personnes dont des proches qui ont été assassinés sont venues expliquer leur engagement contre la peine de mort, contre ce sentiment de vengeance. C’est la position de Renny Cushing, dont le père a été assassiné il y a vingt ans. Il a toujours refusé la peine de mort, cette vengeance œil pour œil, dent pour dent. Président de l’Association des familles de victimes d’assassinats, qui se bat pour le respect du droit à la vie comme l’un des fondements des droits de l’homme, sa parole a beaucoup de poids et le mouvement abolitionniste s’est enrichi de la prise de position de ces familles de victimes, pour couper l’herbe sous le pied de ceux qui pensent que celui qui a eu un proche assassiné sera inévitablement pour le châtiment suprême à l’encontre du meurtrier.

Des enfants de condamnés à mort se sont constitués en association, « Kids against death penalty », (les enfants pour l’abolition de la peine de mort). Sandrine Ageorges-Skinner , militante abolitionniste depuis plus de trente ans, a témoigné sur le sort de Hank Skinner condamné à mort au Texas, avec lequel elle a entretenu une correspondance depuis 1996, et qu’elle a épousé par procuration en octobre 2008. La date d’exécution de Hank Skinner avait été fixée au 24 février , date de l’inauguration du congrès contre la peine de mort. Cette date a finalement été reportée au 24 mars, Hans Skinner est en sursis, pour un crime dont il clame son innocence depuis qu’il a été arrêté puis condamné à mort.

Véronique Gaymard
Source: http://www.rfi.fr/contenu/20100227-bilan-congres-mondial-contre-peine-mort-vers-une-abolition-fait-2015 

Tag(s) : #International